dimanche 5 mai 2013

Science-Fiction de Sage-Femme



Le 5 mai célèbre la Journée Internationale de la Sage-femme. Partout dans le monde, des femmes deviennent mères, des enfants naissent. Leur santé nous tient à coeur, de même que leur bien-être émotionnel. Partout dans le monde, les conditions entourant cet événement peuvent être difficiles, chacune à leur échelle.
L'International Confederation of Midwives souligne le rôle essentiel des sages-femmes auprès des femmes
Pour appuyer l'appel de l'ICM, dix bloggeuses et blogueurs sages-femmes ont imaginé un monde où leur profession n'existerait pas...
A lire chez :
10lunes : http://10lunes.canalblog.com/



5 mai 2099, suite à l'influence simultanée de la crise dans laquelle le pays s'est enlisé au début du 21 ème siècle, de l'avancée des techniques médicales et de la mondialisation, mais aussi sous l'influence de quelques médecins pas franchement SF friendly  ( à ce sujet je vous recommande chaudement l'article de ma consœur : http://10lunes.canalblog.com/archives/2013/04/08/26788434.html ) ... L'activité des sages-femmes a été délocalisée dans des pays émergeant et de nouvelles sages-femmes exercent leur art via des hotlines....

Camille se savait enceinte depuis quelques jours et avait partagé cette grande nouvelle avec Timéo son compagnon. Elle savait qu'elle devait se rendre au centre de télémédecine de son quartier pour son suivi.
Ils s'y rendirent donc ensemble. Elle approcha sa carte vitale du détecteur et la porte s'ouvrit lui laissant le passage jusqu'à la cabine high-tech où se déroulaient les consultations. Elle répondit à un rapide questionnaire afin d'affiner le motif de sa venue.
Une voix désincarnée lui demanda de se dévêtir et de s'allonger sur la table d'examen. La voix averti Camille qu'elle allait subir une échographie et le matériel se mis en branle comme mû d'une volonté propre. Suite à cet examen la connexion s'établit avec un médecin qui lui confirma que la grossesse était bien évolutive et que tout était normal. Il lui transmit un code de connexion pour son suivi de dossier et toutes les démarches administratives de la déclaration de grossesse furent transmises instantanément aux administrations concernées. L'écran redevint noir. Camille se rhabilla, heureuse que tout aille bien.
De retour chez elle, elle se connecta machinalement à sa boîte mail ; elle avait déjà reçu la confirmation de la création de son dossier suivi de grossesse et un message avec tous ses rendez-vous de consultation.
Les mois passant, le ventre de Camille s'arrondissait. Elle allait régulièrement s'allonger dans la "boîte à médecine"; c'est comme ça que Timéo surnommait le centre de télémédecine.
La grossesse suivait son cour, l'enfant à naître se portait bien ; Camille le portait bien.
Au cours d'un de ces rendez-vous, ils avaient d'ailleurs rempli ensemble un QCM sur leurs connaissances concernant la naissance et au vu de leur désir d'en savoir un peu plus sur ce qui les attendait on leur avait proposé des cours de préparations en ligne.
Ils se connectaient le soir après que Timéo soit rentré du travail. Ils avait choisi cette formule pour qu'il puisse être présent. C'était un des avantages à la délocalisation : l'amplitude horaire était maximum, on changeait juste d'accent suivant l'heure choisi. La séance commençait toujours de la même façon : ils regardaient un  reportage présentant le thème du jour : (l'allaitement, la péridurale, la poussée, le périnée,....) puis ils répondaient à un QCM et enfin étaient en relation avec une sage-femme, jamais la même, qui par webcam interposée revenait avec eux sur les points restés obscurs. Ils sentaient bien que les réponses restaient très générales et semblaient parfois même standardisées. La sage-femme ne pouvait leur donner de détails précis concernant la maternité de leur secteur étant donné qu'elle n'y avait jamais mis les pieds et ne connaissait pas les habitudes locales. Malgré l’homogénéisation des pratiques consécutives à la décentralisation, il subsistait quelques différences suivant les lieux. La séance se terminait par un disque de relaxation.
Camille aurait bien parlé de la peur qu'elle éprouvait vis à vis de la naissance de son enfant ; elle avait peur qu'il "boive la tasse" comme cela s'était passé pour elle au moment de sa naissance. Elle avait dû aller en néonatalogie pendant quelques jours et sa mère en avait été très affectée. Elle se sentait  fragile mais n'avait pas réussi à le dire aux sages-femmes de la "boîte".

15 janvier 2100, 3h45. Camille se lève pour aller uriner comme bien souvent ces dernières nuits. Mais là, c'est un peu différent, aussitôt que ses 2 pieds touchent le sol une contraction lui vrille les reins et elle perd les eaux. Un peu affolée, elle réveille Timéo. Elle met les quelques affaires qui manquent à sa valise et ils partent à la maternité.
Arrivés là-bas, ils se sentent un peu perdus dans cet immense hôpital (il faut dire qu'en 2100, la politique de regroupement des lieux de naissances est à son apogée et aucune maternité en France ne réalise moins de 10000 accouchements par an). Ils se retrouvent rapidement dans une boîte, presque semblable à celle où ils allaient en consultation. La musique des séances de relaxation sensée la détendre est bien là en fond sonore mais Camille ne se sent pas à l'aise. Une infirmière passe à leur arrivée, pour poser une perfusion et différents capteurs : un pour le cœur du bébé, un pour les contractions, un pour les constantes (tension artérielle, pouls, température... ) de Camille, ... et un pour suivre en temps réel la dilatation du col. Toutes ces données sont transmises et la surveillance se fait à distance.
Camille perd pied et le capteur surveillant ses constantes indique une douleur insupportable. L'infirmière revient préparer Camille à la pose de la péridurale. L'anesthésiste arrive, pose la péridurale sans difficulté et tous les deux s'effacent laissant Timéo et Camille à nouveau seuls. Ils savent bien que c'est le déroulement classique d'un accouchement mais ils regrettent de ne pas être plus accompagnés.
La douleur de Camille est soulagée, elle ne ressent plus grand chose d'ailleurs... Les heures passent et sur le coup de midi, elle éprouve une gène ; d'ailleurs une alarme retentit, un simple "Ding" et la voix désincarnée annonce : "Dilatation totale du col de l'utérus atteinte, le gynécologue arrive pour procéder à l'expulsion."
En effet, quelqu'un arrive avec blouse, gants, chapeau et masque. Il constate que la présentation est bien descendue,  semble satisfait et intime à Camille de pousser. A ce moment là, elle a très peur, elle sent bien que son enfant arrive et elle a l'impression d'être écartelée, morcelée et que jamais elle n'y arrivera. Heureusement, Timéo est toujours à ses côtés et sentant qu'elle perd à nouveau pied trouve les mots pour l'encourager, coupant l'herbe sous les pieds d'un gynécologue un peu prompt à se tourner vers l'infirmière afin de lui demander de sortir une ventouse.... Les parturientes sont très nombreuses et il est très pressé.
Quelques contractions plus tard un magnifique garçon atterrit sur le ventre de Camille. Timéo a bien du mal à cacher son émotion et laisse couler ses larmes. Camille aussi pleure.
Ils se ressaisissent assez rapidement car leur fils est emmené en pouponnière pour procéder aux premiers soins. Timéo le suit et pendant ce temps le gynécologue recoud l'épisiotomie de Camille.
Timéo revient avec Côme dans un berceau et peu de temps après ils sont réinstallés dans une chambre à un étage supérieur.
Camille et Côme ne restent que 48h hospitalisés. Le lendemain de leur sortie, Camille, qui avait décidé d'allaiter, souffre de crevasses ; la montée de lait est très importante, ses seins très tendus et elle n'arrive pas à placer Côme de façon satisfaisante. Elle se souvient que lors du module de préparation concernant l'allaitement, la sage-femme lui avait dit qu'elle pouvait appeler la hotline en cas de difficultés. Elle a bien du mal à faire le point par écran interposé, à trouver la juste position pour la soulager de ses crevasses.
Le contre coup de la naissance, les difficultés de la mise en route de l'allaitement et la fatigue aidant, Camille pleure beaucoup. Elle se sent en difficulté pour s'occuper de Côme. Heureusement que Timéo est toujours aussi présent et ainsi que sa mère venue lui apporter son aide. Cela lui fait beaucoup de bien, mais elle n'ose pas parler de tous les sentiments ambivalents qu'elle ressent. Elle aurait préféré s'en ouvrir à quelqu'un d'extérieur ; elle a peur d'être jugée et puis elle n'est pas d'accord avec tous les principes éducatifs de sa mère non plus ! Mais elle n'a aucune envie d'utiliser la webcam pour ça... Pour le coup, c'est trop impersonnel.
Quand à la visite du post partum  le médecin de la boîte lui prescrit de la rééducation pour son périnée, elle a préfère décliner l'offre : se retrouver seule, face à un écran avec une sonde ne l'enthousiasme absolument pas. Tant pis si elle doit aller rapidement aux toilettes, elle n'en peut juste plus de cette boîte !

Petit à petit, elle trouve ses marques et digère la révolution qu'a provoqué la venue de son enfant. Ils forment une belle famille Timéo, Côme et elle.

Quant elle se retourne sur cette grossesse et cette naissance, elle ressent un vague d'amour pour ses deux hommes mais aussi un profond sentiment de solitude.